(1995) Entretien avec Mohamed Zafzaf


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Allongé sur son lit, fumant sa cigarette, avec sa barbe blanchâtre par endroits, il parlait à tous ceux qui étaient chez lui.

On discutait librement. Zafzaf s'interrogeait, avec un ton nerveux, sur l'écriture, les jeunes écrivains, la lecture, la traduction au Maroc et dans le monde arabe, l'édition et les arriérés de son loyer.

Tout en évoquant sa nouvelle "Bourges en enfer" (1), il disait: "je ne veux pas qu'on m'y suive."

"Que chacun ait son dû, le locateur accumule les mois," et il commença à caresser sa barbe en me parlant.

"Écrire c'est une responsabilité, cette génération d'expérimentation, je ne la comprends pas: Ils écrivent des hallucinations incompréhensibles. L'écriture est le fruit d'une lecture profonde, et du contact avec la vie. L'écrivain doit voyager, voir le monde, côtoyer les gens, écouter leurs douleurs et leurs problèmes, et c'est à ce moment qu'il se met à écrire."

"Ces textes qu'écrivent les jeunes à la vitesse d'une cocotte, je me demande comment ils font pour les concocter? On n'y comprend rien.
L'expérimentalisme n'a aucun sens, écrivez plutôt des essais beaux et clairs, et pas des mots croisés.
Je ne suis le tuteur de personne, et ce ne sont ni mon âge ni mon expérience qui me poussent à donner des conseils, mais pour être franc je vous conseille d'écrire de bonnes choses ou d'abandonner, car remplir les pages c'est simple."


Et la lecture?

"Maintenant je lis un livre de Confucius! Si je fatigue mes yeux à cet âge c'est que j'éprouve un grand plaisir dans la lecture, j'y découvre des choses extraordinaires."

"Les jeunes créent des conflits gratuits, s'accusent mutuellement, chez eux l'exclusion est devenue la règle.
Soyez raisonnables mes petits, écrivez des essais de valeur, insistez sur la qualité et pas sur la quantité, une nouvelle vaut mieux qu'un roman de quatre cents pages vides. "Le vieil homme et la mer" a été primé malgré sa petite taille. "Le loup des stèpes" d'Herman Hess est court lui aussi."

"La traduction est meilleure au Maroc. Contrairement aux orientaux, les marocains soignent leur travail. La traduction des orientaux est médiocre, une traductrice de chez eux a même traduit "le mari éternel" par "Marie l'éternelle"."

"Quant à celui qui voulait brûler son roman et m'exclure, il a avancé ces propos: "Si on ôte ton nom de la couverture, nul n'achètera tes romans". Qu'il mettent son nom à ma place au lieu de brûler son livre."

"Les jeunes doivent étudier, vivre pleinement leur vie puis écrire des choses intéressantes et acceptables. L'écrivain qui évoque le modernisme et ne parle qu'une seule langue est un aliéné mental. Je le répète je ne suis le tuteur de personne, tout ce que je veux c'est être clair, sans citer de slogans et sans créer de conflits entre les jeunes."

Zafzaf a parlé très longtemps, avec son franc parlé habituel, veuillez nous excuser si on n'a pu retenir plus que ces quelques lignes!

(1) Fait partie des oeuvres complètes de Mohamed Zafzaf.

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Interview en arabe réalisée par Abdelhamid Chakib - Littihad Lichtiraki - 1er septembre 1995
Traduction Jamaleddine Dalil Essakali / Rusibis.com





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