رسالة من فلوبير إلى أمه

26 نيسان 1850

نحن في عز الصيف، في السادسة صباحاً من الطبيعي أن تكون الحرارة 20 درجة مئوية في الظل، وخلال النهار نحو 30 درجة مئوية.

الحصاد قائم منذ مدة طويلة، والبارحة أكلنا بطيخاً وأنت يا عزيزتي، هل أنت في كراوسي؟ نوجون؟ باريس؟ والرحلة إلى إنجلترا؟ أرسلي لي أطول رسالة يمكنك كتابتها ـ أخبريني عن حالك، الحياة التي تعيشينها، وكل ما يحدث.

... نحن نحيا أوقاتاً رائعة. الرحلة إلى النوبة انتهت، وكل بقائنا في مصر أوشك على الانتهاء. الآن نهبط النهر بالمجذاف، هذا النهر العظيم الذي كنا نبحر فيه بالدفع بشراعينا الأبيضين.

توقفنا لرؤية كل الآثار، كنا نربط القارب ونهبط على الضفة، حيث دائماً هناك معبد مدفون في جنباتها في الرمل، ظاهر جزئياً، مثل هيكل عظيم قديم كُشف بالحفر، آلهة برؤوس، أبو منجل، وتماسيح مرسومة على جدران أبيضّت جراء براز الطيور الجارحة المعششة بين الحجارة سرنا بين الأعمدة بصحبة عصي خشب النخيل وأحلام يقظتنا، مثيرين الغبار القديم. عبر فجوات جدران ا لمعبد رأينا سماء زرقاء لا تصدق وا لنيل يتعرج وسط الصحراء مع حواف خضراء على الضفتين، هذا جوهر مصر.

كثيراً ما كان هناك قطيع من الخراف السوداء، ترعى حولنا، وولد عار صغير، رشيق مثل قرد، بعيون قط، وأسنان عاجية، وقرط فضي في أذنه اليمنى وندب على وجهه ـ وشط خط مدية حمراء حارة. أحياناً أخرى تأتي نساء عربيات فقيرات مسربلات بأسمال بالية وقلائد ليبعن جوزيف الدجاج، أو يجمعن روث الماعز بالأيدي ليسمدن حقولهن المجدبة. شيء رائع هو الضوء الذي يجعل كل شيئ متألقاً، دائماً نحن مبهورون بكل ما هو بلدي ـ إنها مثل ألوان فراشة في حفلة تنكرية عظيمة، الملابس البيضاء، الصفراء، أو الزرقاء تظهر في الجو ا لشفاف ـ ألوان صاخبة تصيب أي رسام بالإغماء.

بالنسبة لي، أفكر في الشيء الذي يشغلني دائماً ـ الأدب، أحاول الحصول على كل ما تقع عيني عليه، أود أن أتخيل شيئاً، لكن ماذا، لا أدري.

فلوبير في مصر ـ 1849

***



[22 avril 1850.]

Nous sommes en plein été. À 6 heures du matin, nous avons régulièrement vingt degrés Réaumur à l’ombre ; dans la journée c’est trente environ. La moisson est faite depuis longtemps et avant-hier nous avons mangé une pastèque. Où es-tu, toi, pauvre vieille ? est-ce à Croisset ? à Nogent ? à Paris ? Et ce voyage d’Angleterre ? Envoie-moi les plus longues lettres possible ; parle-moi de toi, de ta vie, de tout ce qui se passe. Comme la petite Liline sera gentille l’hiver prochain ! Fait-elle bien des progrès dans la lecture ?
C’est une bien bonne vie que celle que nous menons. Voilà le voyage de Nubie fini. La conclusion de celui d’Égypte approche aussi. Nous quitterons notre pauvre cange avec peine. Maintenant nous redescendons lentement à l’aviron ce grand fleuve que nous avons monté avec nos deux voiles blanches. Nous nous arrêtons devant toutes les ruines. On amarre le bateau, nous descendons à terre. Toujours c’est quelque temple enfoui dans les sables jusqu’aux épaules et qu’on voit en partie, comme un vieux squelette déterré. Des dieux à tête de crocodile et d’ibis sont peints sur la muraille blanchie par les fientes des oiseaux de proie qui nichent entre les intervalles des pierres. Nous nous promenons entre les colonnes. Avec nos bâtons de palmier et nos songeries, nous remuons toute cette poussière. Nous regardons à travers les brèches des temples le ciel qui cassepète de bleu. Le Nil coulant à pleins bords serpente au milieu du désert, ayant une frange de verdure à chaque rive. C’est toute l’Égypte. Souvent il y a autour de nous un troupeau de moutons noirs qui broute, quelque petit garçon nu, leste comme un singe, avec des yeux de chat, des dents d’ivoire, un anneau d’argent dans l’oreille droite et de grandes marques de feu sur les joues, tatouage fait avec un couteau rougi. D’autres fois, ce sont de pauvres femmes arabes, couvertes de guenilles et de colliers, qui viennent vendre des poulets à Joseph, ou qui ramassent avec leurs mains des crottes de biques pour engraisser leur maigre champ. Une chose merveilleuse, c’est la lumière ; elle fait briller tout. Dans les villes, cela nous éblouit toujours, comme ferait le papillotage de couleurs d’un immense bal costumé. Des vêtements blancs, jaunes ou azur se détachent, dans l’atmosphère transparente, avec des crudités de ton à faire pâmer tous les peintres. Pour moi, je rêvasse de cette vieille littérature, je tâche d’empoigner tout ça. Je voudrais bien imaginer quelque chose, mais je ne sais quoi. Il me semble que je deviens bête comme un pot.
Nous lisons dans les temples les noms des voyageurs ; cela nous paraît bien grêle et bien vain. Nous n’avons mis les nôtres nulle part. Il y en a qui ont dû demander trois jours à être gravés, tant c’est profondément entaillé dans la pierre. Quelques-uns se retrouvent partout avec une constance de bêtise sublime. Il y a un nommé Vidua, surtout, qui ne nous quitte pas. Avant-hier, à Ombos, Max a découvert celui de ce pauvre Darcet. Les lettres sont là à se ronger au grand air, pendant que son corps se pourrit là-bas, dans une troisième partie du monde. C’est sans doute ce pauvre nom, à demi effacé déjà, qui survivra de lui le plus longtemps. Il est venu l’écrire en Égypte, il a vécu à Paris, et il a été mourir en Amérique. Quelques réflexions philosophiques, comme dirait Fellacher !
Toutes les fois que nous arrivons devant des statues, dans un temple, Max fait devant elles le salut arabe en portant la main à son front, et s’informant de leur santé. Ça ne varie pas. Sassetti a depuis quelque temps une rage de chasse que rien n’arrête. Il est vêtu à l’Égyptienne, ce qui lui donne un air mastoc assez risible. C’est un garçon de très bon coeur et qui nous est fort dévoué. Il possède beaucoup de talents utiles. Maintenant il est cordonnier et raccommode nos chaussures avec du fil de fouet ciré. Nos hardes s’usent. Le chic commence. Je donnerais je ne sais quoi pour que tu puisses connaître ce brave Joseph. C’est une des balles les plus curieuses qu’il soit possible de voir. Il se livre toujours à la confection des douces (plats sucrés) et des bé-fils-tecks (beafsteaks). Nous avons eu une fière chance de tomber sur un pareil drogman. Il est très expérimenté et de bon entendement.
Nous avons à bord un vieux matelot qu’on appelle Fergalli et qui me rappelle ce bon Pitchef. Plus on lui fait de farces, donne de calottes, coups de poings, etc., et plus il est satisfait. Quelquefois même on le jette à l’eau ; alors on rit beaucoup. Les plaisanteries sont toujours de le tuer, de l’écorcher vif, de le mettre à la broche. Comme il est chauve, on lui retire son bonnet et on lui donne de grandes calottes sur la tête. Quelquefois les matelots font mine d’aller le féliciter sur sa nomination de pacha, et on lui donne un charivari qui consiste à faire avec la main et la bouche des pets factices ; on le rase avec un couteau ; on le déshabille pour qu’il danse. Il y a quelques jours, on l’a habillé en femme avec un voile sur la figure et un morceau de toile à voile pour robe. C’était la mariée, on faisait la noce. Cela pouvait passer pour un de ces spectacles "où un père de famille n’aurait pas été bien aise de mener sa jeune personne". Après quoi, ces bons Arabes se sont mis à faire leur prière avec des prosternations, des Allah et des Mohammed, comme les plus braves gens du monde. Il n’y a rien de plus gai que ces hommes, ou pour mieux dire de plus enfant ; un rien les abat, comme peu de chose les amuse.
Les messieurs de la haute classe ne détestent pas le liquide. Les gouverneurs des petites villes où nous passons viennent nous faire des visites à bord, dans l’espérance d’attraper une bouteille d’eau-de-vie. La canaillerie de ces drôles se rehausse de tous les respects dont on les entoure. À Wadi-Halfa nous avons fait la connaissance du gouverneur d’Ibrim, chargé de recueillir l’impôt dans toute la province. Ce n’est pas une mince besogne. Cela s’exécute à grand renfort de coups de bâton, et arrestations, et enchaînements. Nous sommes descendus avec lui, côte à côte, pendant trois jours. Un villageois n’avait pas voulu payer ; le scheik l’a enchaîné et enlevé dans sa cange. Quand elle a passé près de nous, nous avons vu ce pauvre vieux couché au fond du bateau, tête nue sous le soleil et dûment cadenassé ; sur la rive, des hommes et des femmes suivaient en criant. Ça n’émoussait nullement notre brave Turc, qui a jugé cependant prudent, pendant deux jours, de ne pas nous quitter de vue, espérant que, si par hasard on l’attaquait, nous avions de très jolis fusils qui portent fort loin. Il venait, tout en descendant le Nil comme nous, nous faire des visites. Une fois, il nous a amené un petit mouton en cadeau, ce qui nous a été sensiblement agréable, car depuis six semaines nous n’avions mangé que du poulet et de la tourterelle. Nous avons eu avec ce brave homme des conversations sur sa spécialité, c’est-à-dire qu’il nous a donné beaucoup de détails sur la manière de faire mourir un homme à coups de bâton, en un nombre de coups déterminés. Ils vous exposent tout cela très gentiment, en riant, comme on cause spectacles, et l’exécutent très placidement, comme on fume sa pipe.
Pour te donner une idée de tout ce que je vois, va à la bibliothèque de Rouen et demande à voir le grand ouvrage d’Égypte, le volume de planches d’antiquités. M. Pottier (ou l’ami Lebreton) se fera un plaisir de te montrer ça. Au reste, cet ouvrage n’est pas rare, quelque particulier l’a peut-être.
Voilà, il me semble, une longue lettre, pauvre chère vieille. Qu’elle t’arrive vite, qu’elle te remonte, qu’elle te fasse du bien, comme un bon vent frais, ranimant. Adieux, je t’envoie toute ma tendresse.

صحيفة تشرين • نص الأمس .. رسالة من فلوبير إلى أمه

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