Lettre de Francis Scott Fitzgerald à sa fille

8 août, 1933

Mon petit chou,

Je pense beaucoup à toi, en train de faire ton devoir. Voudrais-tu me donner plus de détails sur tes leçons de français ? Ça me réjouit que tu sois heureuse – mais moi je n’ai jamais vraiment cru au bonheur. Je n’ai jamais cru au malheur non plus. Ce sont des choses que tu vois sur scène ou sur un écran ou dans les livres, elles n’arrivent pas vraiment dans la vie.

Dans la vie, je crois seulement que les mérites sont récompensés (selon tes talents) et que tu seras punie de ne pas avoir fait tes devoirs, ce qui t'en coûtera le double. S’il y a ce livre dans la bibliothèque du centre aéré, demande à Mme Tyson de regarder un sonnet de Shakespeare, dans lequel il est écrit « Les lys qui pourrissent, sentent deux fois pire que les mauvaises herbes. »

Je ne pense à rien aujourd’hui, la vie semble faite de moments tirés du journal de 20 heures. Je pense à toi, comme toujours avec tendresse, mais si tu m’appelles une nouvelle fois « Papounet », je prendrai le chat blanc, et je lui botterai les fesses très fort, 6 fois pour chacune de tes impertinences. Qu'en penses-tu ?

Au fait, je me suis occupé de payer le centre aéré.
Je vais conclure, maintenant.
Les choses dont tu dois te soucier :
Du courage
De la propreté
De l'efficacité
De l’équitation…
Les choses dont tu ne dois pas te soucier :
Ne te soucie pas de l’opinion publique
Des poupées
Du passé
Du futur
De grandir
De qui que ce soit en avance sur toi
Du triomphe
Des échecs, sauf si c’est de ta faute
Des moustiques
Des mouches
Des insectes en général
Des parents
Des garçons
Des déceptions
Des plaisirs
Des satisfactions
Les choses auxquelles penser :
Quel est mon but ? Comment je me situe par rapport à mes contemporains, concernant ces questions :
a) Le savoir et les études ?
b) Est-ce que je comprends vraiment les autres et suis-je capable de m'entendre avec eux ?
c) Est-ce que je fais de mon corps un instrument utile ou est-ce que je le néglige ?
Avec tout mon amour,
Papa,

PS : Ma vengeance pour m'avoir appelé « Papounet » est de te rebaptiser « Mon petit oeuf », ce qui signifie que tu appartiens à un stade très rudimentaire de l'existence et que je pourrais te casser et t'ouvrir si je le souhaite, je pense que ce serait un surnom qui resterait dans les mémoires si jamais je le partageais avec tes camarades. « L'oeuf Fitzgerald », ça te plairait que ce surnom te poursuive toute ta vie, « e petit oeuf Fitzgerald » ou « l'oeuf pourri Fitzgerald » ou n'importe quel dérivé inventé par des esprits féconds ? Refais-le encore une fois et je jure devant Dieu que je t'appellerai comme ça et que tu seras bien en peine de te débarrasser de ce surnom. Alors, pourquoi tenter le diable ?

Je t'aime quand même.

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