Amine Goutali - Les tabous dans la littérature arabe.. A. Zaoui et Kh. Souilah en pourfendeurs

Dans la littérature arabe, algérienne en particulier, les tabous, c’est connu, font feu de tout texte. Le fameux triptyque : sexe-politique-religion n’a pas fini de compter ses « autodafés », malgré les cris d’orfraie poussés avec hargne par les partisans de la mise à nu esthétique.
Il est bien vrai qu’avec l’ouverture démocratique et la libéralisation - et domination - des technologies de l’information, le recours à l’autocensure n’est plus aussi systématique. Nombre d’auteurs s’efforcent, et souvent à leur détriment, de faire sauter les verrous d’une société « soumise » à l’inébranlable « dictature » des traditions socioculturelles. Mais rares sont ceux qui y triomphent. C’est l’avis partagé par deux écrivains, algérien et syrien, Amine Zaoui et Khalil Souilah, invités, samedi dernier, à débattre des « non-dits dans la littérature arabe dans le cadre de la rencontre hebdomadaire, « Rendez-vous avec le roman ». L’évènement est organisé depuis quelques semaines par le ministère de la Culture avec le soutien de l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel (Aarc) au palais de la culture Moufdi-Zakaria.
Lignes rouges ?
Grand pourfendeur des interdits de tout poil, l’auteur de « La chambre de la vierge impure » affirme, avec force, qu’il n’y a pas de « lignes rouges » en littérature. « La seule ligne rouge est l’ignorance », soutient-il non sans reconnaître que la liberté est relative, la politique s’étant nettement libérée. Contrairement, souligne-t-il toutefois, à la religion et au sexe dont la chape de plomb est plus que jamais pesante et étouffante.
« La crise qui secoue le monde arabo-musulman est due en grande partie au tabou religieux. Toutes les discordes qui nous déchirent émanent d’interprétations politiciennes de la religion ayant conduit au terrorisme de Daech, Nosra et des Frères musulmans » explique le romancier en soutenant que le tabou sexuel découle en grande partie des « Layadjouz » religieux. Il rappelle, néanmoins, que le patrimoine littéraire arabe a connu, des siècles auparavant, notamment aux XIe et XII siècles, une grande liberté de ton illustrée, entre autres, par le grand penseur El Djahidh, ou même chez certains grands « Foukaha » intrépides tels que Essouyouti. « Nous avons perdu cette audace. Le Fakih éclairé a cédé sa place au prêcheur ignare dont les prototypes écument aujourd’hui les chaînes satellitaires », regrette-t-il.
Pour l’auteur du « Dernier juif de Tamentit », l’écrivain fait face à deux grandes appréhensions : les controverses publiques qui poussent vers une condamnation injuste et arbitraire de l’œuvre et l’esprit tribal, dominant les structures sociales. C’est le constat sans appel repris par l’auteur syrien qui, lui, ne va pas de main molle pour illustrer la place cruciale du sexe dans la littérature arabe. Mais l’auteur de « Rewwak el Hob » fait le distinguo entre littérature érotique, devant présider à l’essor à cet art ancestral, et la pornographie dont les dégâts ne sont plus à présenter. Écrivain « libertin » par excellence, Khalil Souilah se félicite du rôle joué par Internet et les réseaux sociaux dans le « démantèlement » des tabous, sexuels notamment. « Ce qui a donné un nouveau langage libéré et décomplexé en rupture de ban avec une langue classique ayant subi, à son corps défendant, les affres de la censure. »

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Le quotidien « Horizons » écrit, le 17 avril 2016



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