Louis Pergaud est un instituteur et romancier français né à Belmont (Doubs), le 22 janvier 1882 et mort pour la France le 8 avril 1915, peu après la bataille de la Woëvre, près de Marchéville-en-Woëvre (département de la Meuse). Il est l'auteur de De Goupil à Margot, prix Goncourt 1910, et de La Guerre des boutons, paru en 1912.
L'hiver
C'était l'hiver sur la plaine et sur la forêt. La neige glacée couvrait partout le sol. Depuis trois semaines pourtant elle ne tombait plus, mais le gel qui l'avait cristallisée en paillettes luisantes d'une finesse merveilleuse l'avait rendue plus subtile encore et plus traîtresse. Pas un abri n'échappait à son assaut.
La lune commençait à décliner quand ce régime de froidure et de faim avait commencé et, depuis, une nouvelle lune avait montré sa corne dans les brouillards du couchant et elle avait grandi peu à peu sans que rien se fût modifié dans ce terrible état de siège que la bise, la neige et la faim, les trois alliées sinistres, avaient proclamé sur les bois.
Louis Pergaud
***
Le printemps
Le soleil faisait craquer les derniers et tardifs bourgeons des chênes sous la pression chaude de ses rayons. Les verdures se nuançaient à l'infini.
C'était une symphonie de couleurs allant du cri violent des verts aux pâleurs mièvres des rameaux inférieurs, dont les feuilles tendres, aux épidermes délicats et ténus n'avaient pas encore reçu le baptême ardent de la pleine lumière, bu la lampée d'or des rayons chauds, car leur oblique courant n'avait pu combler jusqu'alors que les lisières privilégiées et les faîtes victorieux.
Mais ce jour-là, une vie multiple et grouillante, végétale et animale, sourdait de partout, des crépitements des insectes et du chant des oiseaux à l'éclatement des bourgeons et au gonflement des rameaux, craquant dans l'air vibrant comme des muscles qui s'essaient.
Louis Pergaud
L'hiver
C'était l'hiver sur la plaine et sur la forêt. La neige glacée couvrait partout le sol. Depuis trois semaines pourtant elle ne tombait plus, mais le gel qui l'avait cristallisée en paillettes luisantes d'une finesse merveilleuse l'avait rendue plus subtile encore et plus traîtresse. Pas un abri n'échappait à son assaut.
La lune commençait à décliner quand ce régime de froidure et de faim avait commencé et, depuis, une nouvelle lune avait montré sa corne dans les brouillards du couchant et elle avait grandi peu à peu sans que rien se fût modifié dans ce terrible état de siège que la bise, la neige et la faim, les trois alliées sinistres, avaient proclamé sur les bois.
Louis Pergaud
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Le printemps
Le soleil faisait craquer les derniers et tardifs bourgeons des chênes sous la pression chaude de ses rayons. Les verdures se nuançaient à l'infini.
C'était une symphonie de couleurs allant du cri violent des verts aux pâleurs mièvres des rameaux inférieurs, dont les feuilles tendres, aux épidermes délicats et ténus n'avaient pas encore reçu le baptême ardent de la pleine lumière, bu la lampée d'or des rayons chauds, car leur oblique courant n'avait pu combler jusqu'alors que les lisières privilégiées et les faîtes victorieux.
Mais ce jour-là, une vie multiple et grouillante, végétale et animale, sourdait de partout, des crépitements des insectes et du chant des oiseaux à l'éclatement des bourgeons et au gonflement des rameaux, craquant dans l'air vibrant comme des muscles qui s'essaient.
Louis Pergaud