Lettre de Franz Kafka à Max Brod

20 novembre 1922

Cher Max,

Peut-être ne me relèverai-je plus cette fois ; il est probable qu'après ce mois de fièvre pulmonaire une pneumonie se déclarera ; et même le fait de l'écrire ne pourra l'empêcher, encore que cela ait quelque pouvoir.

Dans cette éventualité, voici donc ma dernière volonté concernant tout ce que j'ai écrit :

De tout ce que j'ai écrit, seuls sont valables les livres : Verdict, Soutier, Métamorphose, Colonie pénitentiaire, Médecin de campagne, et le récit L'artiste de la faim. (Les quelques exemplaires de « Regards » peuvent rester, je ne veux donner à personne la peine de les mettre au pilon, mais rien de ce qu'ils contiennent ne doit être réimprimé.) Quand je dis que ces 5 livres et ce récit sont valables, cela ne signifie pas que je souhaite qu'ils soient réimprimés et transmis aux époques à venir, au contraire, s'ils pouvaient totalement disparaître, cela correspondrait vraiment à ce que je désire. Simplement, puisqu'ils existent, je n'empêche personne de les garder, s'il en a envie.

En revanche, tout ce que j'ai écrit d'autre (textes imprimés dans des revues, manuscrits, lettres), tout cela sans exception, pour autant que cela puisse être accessible ou récupéré en demandant aux destinataires (tu les connais pour la plupart, il s'agit de Madame Felice M. , de Madame Julie née Wohryzek et de Madame Milena Pollack, surtout n'oublie pas les quelques cahiers qui sont entre les mains de Madame Pollack) - tout cela doit, sans exception et de préférence sans être lu (je ne t'interdis pas d'y jeter un coup d'œil, même si je préférerais que tu ne le fasses pas, en tout cas personne d'autre ne doit y jeter un coup d'œil) - tout cela sans exception doit être brûlé et je te prie de le faire le plus tôt possible.

Franz

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