Lettre No 1
Vienne, 13 décembre 1932.
Cher Monsieur,
Soyez assuré que je lirai avec soin votre petit livre " Les Vases communicants ", dans lequel l'explication des rêves joue un si grand rôle. Jusqu'ici je ne suis pas encore allé bien loin dans cette lecture mais si je vous écris déjà c'est qu'à la page 19 je suis tombé sur une de vos " impertinences" (1) que je ne puis m'expliquer facilement.
Vous me reprochez de ne pas avoir mentionné, dans la bibliographie, Volkelt, qui découvrit la symbolique du rêve, bien que je me sois approprié ses idées. Voilà qui est grave, qui va tout à fait à rencontre de ma manière habituelle.
En réalité ce n'est pas Volkelt qui a découvert la symbolique du rêve, mais Scherner, dont le livre est paru en 1861 alors que celui de Volkelt date de 1878. Les deux auteurs se trouvent plusieurs fois mentionnés aux passages correspondants de mon texte et ils figurent ensemble à l'endroit où Volkelt est désigné comme partisan de Scherner. Les deux noms sont aussi contenus dans la bibliographie. Je puis donc vous demander une explication.
Pour votre justification je trouve en ce moment que le nom de Volkelt ne se trouve effectivement pas dans la bibliographie de la traduction française (Meyerson 1926).
Votre très dévoué,
FREUD.
***
Lettre No 2
ـــــــــــــــــــــ
Vienne 13 décembre 1932.
Cher Monsieur,
Excusez-moi si je reviens encore une fois sur l'affaire Volkelt. Pour vous elle ne peut signifier grand chose mais je suis très sensible à un tel reproche et quand il vient d'André Breton il m'est d'autant plus pénible. Je vous ai écrit hier que le nom de Volkelt est mentionné dans la bibliographie de l'édition allemande de " La Science des Rêves" mais qu'il est omis dans la traduction française, ce qui me justifie et dans une certaine mesure vous justifie également, bien que vous eussiez pu être plus prudent dans l'explication de cet état de choses. (Vous écrivez : "auteur sur qui la bibliographie... reste assez significativement muette"). II n'y aurait probablement dans ce cas qu'une négligence sans importance du traducteur Meyerson. Mais lui-même n'est pas coupable. J'ai encore regardé plus précisément et trouvé ce qui suit : ma " Science des Rêves " a eu, de 1900 à 1930, huit éditions. La traduction française est faite d'après la septième allemande. Et voilà : le nom de Volkelt figure dans la bibliographie des première, deuxième et troisième éditions allemandes mais il manque effectivement dans toutes les éditions ultérieures, de sorte que le traducteur français n'a pu le trouver.
La quatrième édition allemande (1914) est la première qui porte sur la page de titre la mention : "Avec la contribution d'Otto Rank". Rank s'est chargé, depuis lors, de la bibliographie dont je ne me suis plus du tout occupé. Il a dû probablement lui arriver que l'omission du nom de Volkelt (juste entre les pages 487 et 488) lui a échappé.
En cela, il est impossible de lui attribuer une intention particulière. L'utilisation d'un tel accident doit être exclue, tout particulièrement du fait que Volkelt n'est pas du tout celui dont l'autorité entre en considération en matière de Symbolique du rêve, mais bien sans aucun doute un autre qui s'appelle Scherner, comme je l'ai mentionné plusieurs fois dans mon livre.
Avec ma considération distinguée.
FREUD
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Lettre No 3
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26 décembre 1932.
Cher Monsieur,
Je vous remercie vivement pour votre lettre si détaillée et aimable. Vous auriez pu me répondre plus brièvement : "Tant de bruit... " Mais vous avez eu amicalement égard à ma susceptibilité particulière sur ce point, qui est sans doute une forme de réaction contre l'ambition démesurée de l'enfance, heureusement surmontée. Je ne saurais prendre en mauvaise part aucune de vos autres remarques critiques, bien que j'y puisse trouver plusieurs motifs de polémique. Ainsi, par exemple : je crois que si je n'ai pas poursuivi l'analyse de mes propres rêves aussi loin que celle des autres, la cause n'en est que rarement la timidité à l'égard du sexuel. Le fait est, bien plus souvent, qu'il m'eût fallu régulièrement découvrir le fond secret de toute la série de rêves, consistant dans mes rapports avec mon père qui venait de mourir. Je prétends que j'étais en droit de mettre une limite à l'inévitable exhibition (ainsi qu'à une tendance infantile surmontée).
Et maintenant un aveu, que vous devez accueillir avec tolérance ! Bien que je reçoive tant de témoignages de l'intérêt que vous et vos amis portez à mes recherches, moi-même je ne suis pas en état de me rendre clair ce qu'est et ce que veut le surréalisme. Peut-être ne suis-je en rien fait pour le comprendre, moi qui suis si éloigné de l'art.
Votre cordialement dévoué,
FREUD.
Vienne, 13 décembre 1932.
Cher Monsieur,
Soyez assuré que je lirai avec soin votre petit livre " Les Vases communicants ", dans lequel l'explication des rêves joue un si grand rôle. Jusqu'ici je ne suis pas encore allé bien loin dans cette lecture mais si je vous écris déjà c'est qu'à la page 19 je suis tombé sur une de vos " impertinences" (1) que je ne puis m'expliquer facilement.
Vous me reprochez de ne pas avoir mentionné, dans la bibliographie, Volkelt, qui découvrit la symbolique du rêve, bien que je me sois approprié ses idées. Voilà qui est grave, qui va tout à fait à rencontre de ma manière habituelle.
En réalité ce n'est pas Volkelt qui a découvert la symbolique du rêve, mais Scherner, dont le livre est paru en 1861 alors que celui de Volkelt date de 1878. Les deux auteurs se trouvent plusieurs fois mentionnés aux passages correspondants de mon texte et ils figurent ensemble à l'endroit où Volkelt est désigné comme partisan de Scherner. Les deux noms sont aussi contenus dans la bibliographie. Je puis donc vous demander une explication.
Pour votre justification je trouve en ce moment que le nom de Volkelt ne se trouve effectivement pas dans la bibliographie de la traduction française (Meyerson 1926).
Votre très dévoué,
FREUD.
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Lettre No 2
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Vienne 13 décembre 1932.
Cher Monsieur,
Excusez-moi si je reviens encore une fois sur l'affaire Volkelt. Pour vous elle ne peut signifier grand chose mais je suis très sensible à un tel reproche et quand il vient d'André Breton il m'est d'autant plus pénible. Je vous ai écrit hier que le nom de Volkelt est mentionné dans la bibliographie de l'édition allemande de " La Science des Rêves" mais qu'il est omis dans la traduction française, ce qui me justifie et dans une certaine mesure vous justifie également, bien que vous eussiez pu être plus prudent dans l'explication de cet état de choses. (Vous écrivez : "auteur sur qui la bibliographie... reste assez significativement muette"). II n'y aurait probablement dans ce cas qu'une négligence sans importance du traducteur Meyerson. Mais lui-même n'est pas coupable. J'ai encore regardé plus précisément et trouvé ce qui suit : ma " Science des Rêves " a eu, de 1900 à 1930, huit éditions. La traduction française est faite d'après la septième allemande. Et voilà : le nom de Volkelt figure dans la bibliographie des première, deuxième et troisième éditions allemandes mais il manque effectivement dans toutes les éditions ultérieures, de sorte que le traducteur français n'a pu le trouver.
La quatrième édition allemande (1914) est la première qui porte sur la page de titre la mention : "Avec la contribution d'Otto Rank". Rank s'est chargé, depuis lors, de la bibliographie dont je ne me suis plus du tout occupé. Il a dû probablement lui arriver que l'omission du nom de Volkelt (juste entre les pages 487 et 488) lui a échappé.
En cela, il est impossible de lui attribuer une intention particulière. L'utilisation d'un tel accident doit être exclue, tout particulièrement du fait que Volkelt n'est pas du tout celui dont l'autorité entre en considération en matière de Symbolique du rêve, mais bien sans aucun doute un autre qui s'appelle Scherner, comme je l'ai mentionné plusieurs fois dans mon livre.
Avec ma considération distinguée.
FREUD
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Lettre No 3
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26 décembre 1932.
Cher Monsieur,
Je vous remercie vivement pour votre lettre si détaillée et aimable. Vous auriez pu me répondre plus brièvement : "Tant de bruit... " Mais vous avez eu amicalement égard à ma susceptibilité particulière sur ce point, qui est sans doute une forme de réaction contre l'ambition démesurée de l'enfance, heureusement surmontée. Je ne saurais prendre en mauvaise part aucune de vos autres remarques critiques, bien que j'y puisse trouver plusieurs motifs de polémique. Ainsi, par exemple : je crois que si je n'ai pas poursuivi l'analyse de mes propres rêves aussi loin que celle des autres, la cause n'en est que rarement la timidité à l'égard du sexuel. Le fait est, bien plus souvent, qu'il m'eût fallu régulièrement découvrir le fond secret de toute la série de rêves, consistant dans mes rapports avec mon père qui venait de mourir. Je prétends que j'étais en droit de mettre une limite à l'inévitable exhibition (ainsi qu'à une tendance infantile surmontée).
Et maintenant un aveu, que vous devez accueillir avec tolérance ! Bien que je reçoive tant de témoignages de l'intérêt que vous et vos amis portez à mes recherches, moi-même je ne suis pas en état de me rendre clair ce qu'est et ce que veut le surréalisme. Peut-être ne suis-je en rien fait pour le comprendre, moi qui suis si éloigné de l'art.
Votre cordialement dévoué,
FREUD.