Les livres parlent avec éloquence
Les bibliothèques familiales sont à l'image de leurs propriétaires, dans le choix du fonds, l'organisation, l'arrangement et aussi dans le chaos esthétique qui y règne. La bibliothèque est la pharmacie magique. Toute maison habitée par une bibliothèque s'installe dans le bonheur.
Le livre-thérapeute!
Depuis près d'un demi-siècle, je collectionne les livres, jour après jour, voyage après voyage, livre après livre, livre sur livre. Chaque fois que je voyage dans un pays je rentre avec un sac plein de livres. Et ce désir fou ne cesse de s'accroître.
Le livre est la peau de la vie, le hameau du lecteur.
Les livres que nous écrivons comme ceux que nous lisons sont semblables à nos enfants, nous ne préférons pas celui-ci à l'autre.
Dans une maison où il n'y a pas de bibliothèque, ni les anges, ni les dieux, ni les démons n'accèdent. C'est une demeure sans issue et sans lumière, un néant.
Chaque maison qui abrite une bibliothèque est inondée de senteurs du paradis. L'arôme de l'encre sur papier est le parfum le plus précieux et le plus fin qui soit.
Une bibliothèque familiale ou personnelle est l'image de celui qui l'a créée titre par titre, et seul son propriétaire comprend le secret du chaos de cette bibliothèque. Le chaos de la bibliothèque est comme le chaos matinal du lit d'un couple férocement amoureux.
La bibliothèque ne dort pas, elle veille sur ceux qui l'aiment.
Plus la bibliothèque personnelle est organisée et soignée, plus elle est proche de la décoration que de la lecture.
Les bibliothèques arrangées me rappellent ceux qui, dans les années quatre-vingt, achetaient des volumes avec une belle reliure au métrage. Ils demandaient au libraire un mètre de livre ou deux mètres et soixante centimètres selon la longueur du rayonnage!
Dans;une bibliothèque chaotique, le lecteur se sent comme un chat se déplaçant en ligne non droite,en spirale, tournant un livre sur un autre. Et dans ce labyrinthe il ne perd jamais son sens de l'orientation. Les moments d'évasion les plus agréables sont ceux où nous nous sentons perdus dans notre bibliothèque personnelle.
À chaque fois que je regarde lors d'un entretien télévisé avec un écrivain ou une personnalité publique alors qu'il est dans sa maison et que derrière lui apparaît une bibliothèque sévèrement arrangée, des séries de volumes minutieusement agencés, je sens que cette personne n'a aucun amour pour sa bibliothèque. Il lui tourne le dos! Et que cette bibliothèque derrière lui dans son arrangement strict me parait comme un cimetière des rois et des familles aristocratiques dont les tombes sont parfaitement alignées,où les morts/livres dorment pour l'éternité,Les bons livres ne sont pas des morts, ce sont des êtres vivants, ils ont besoind'être bousculés, d'être ouverts.
Chaque fois que la bibliothèque personnelle flotte dans le chaos poétique, sachez qu'elle a la vie qui coule dans les veines et qu'il y a un oeil clément qui veille sur elle pour qu'elle ne s'endorme pas.
Les livres ne dorment jamais!
Les livres ne dorment pas sur des étagères, ne font pas de sieste, les rayonnages ne sont pas des lits avec des matelas moelleux. Depuis leur place, les livres nous regardent, nous crient dessus dès que nous les perdons de vue.
Les livres pleurent autant qu'une personne sensible dès qu'ils sentent que personne ne leur masse les articulations et qu'ils ne sont pas interpellés.
Les livres parlent avec éloquence. Ils s'adressent à l'oreille qui sait et qui respecte le sens de l'écoute. Les sons des livres sont différents; aucune voix ne ressemble à l'autre, certains livres ont des sons doux, certains sont aigus, d'autres sont forts.
Si nous ne dialoguons pas avec les livres, ceux-ci comme les humains attrapent un rhume, des rhumatismes et des démangeaisons.
Quand j'étais directeur général de la Bibliothèque nationale d'Algérie, il m'arrivait de monter la nuit au septième étage où se trouvent les réserves, et de marcher entre les longues étagères qui s'étendent sur des centaines de mètres, avec des petites lumières tamisées qui descendaient des bords, avec prière j'écoutais le lieu et j'entendais des voix, des voix réelles, celles des auteurs des livres.Leurs chuchotements arrivaient à mes oreilles, des véritables chuchotements. Parmi ces voix je distinguais celle d'Al-Maâri, celle d'Al-Mustanabbî, de l'autre côté la voix blessée de Si Mohand Ou Mhand arrive, celle d'Abou Nouas, d'Abou Hayyan al-Tawhidi, d'Ibn Hazm, d'Ibn Zaydun, de Mohammed Dib, de Naguib Mahfouz, d'Al-Maghout, de Kateb Yacine, d'Assia Djebar, de Shakespeare, de Molière, d'Ahmed Shawqu, de Baudelaire, de Saïd Akl, de Zola, de Malek Chebel, de Victor Hugo, de Mouloud Mammeri, de Saâdallah Wannous, de Mohamed Arkoun, de Tayeb Saleh...
Un choeur dans une harmonie totale, il me rappelle que l'existence des créateurs des livres est éternelle, leur victoire sur la mort est une vérité absolue, des voix provenant du fond des âges, elles sont de différentes géographies.
Au fur et à mesure que j'avançais entre les étagères, les voix se multipliaient dans différentes langues, des voix entre provocation et recueillement.
On aurait dit que chaque voix cherchait un lecteur ou un compagnon nocturne, avec une envie de quitter les étagères pour s'installer entre les mains et sous le regard attentif d'un lecteur.
La nuit, les livres eux aussi deviennent insomniaques. S'ils ne sont pas ouverts, s'ils ne sont pas lus, ils sont frappés pas la mélancolie et vieillesse.
J'avançais et j'entendais les voix des écrivains qui avaient souffert en écrivant leurs oeuvres page après page, des écrivains emprisonnés, exilés, torturés, assassinés pour une opinion qu'ils ont clamée dans un livre.
Tout comme leurs auteurs, les livres sont des êtres vivants, dont certains ont été exécutés, d'autres brûlés et d'autres encore lapidés.
À chaque fois que je regarde le chaos de ma bibliothèque, je répète cette expression de l'écrivain argentin Jorge Luis Borges: «J'imagine toujours un paradis sous la forme d'une bibliothèque» mais est- ce que le paradis est chaotique?
Les bibliothèques familiales sont à l'image de leurs propriétaires, dans le choix du fonds, l'organisation, l'arrangement et aussi dans le chaos esthétique qui y règne. La bibliothèque est la pharmacie magique. Toute maison habitée par une bibliothèque s'installe dans le bonheur.
Le livre-thérapeute!
Depuis près d'un demi-siècle, je collectionne les livres, jour après jour, voyage après voyage, livre après livre, livre sur livre. Chaque fois que je voyage dans un pays je rentre avec un sac plein de livres. Et ce désir fou ne cesse de s'accroître.
Le livre est la peau de la vie, le hameau du lecteur.
Les livres que nous écrivons comme ceux que nous lisons sont semblables à nos enfants, nous ne préférons pas celui-ci à l'autre.
Dans une maison où il n'y a pas de bibliothèque, ni les anges, ni les dieux, ni les démons n'accèdent. C'est une demeure sans issue et sans lumière, un néant.
Chaque maison qui abrite une bibliothèque est inondée de senteurs du paradis. L'arôme de l'encre sur papier est le parfum le plus précieux et le plus fin qui soit.
Une bibliothèque familiale ou personnelle est l'image de celui qui l'a créée titre par titre, et seul son propriétaire comprend le secret du chaos de cette bibliothèque. Le chaos de la bibliothèque est comme le chaos matinal du lit d'un couple férocement amoureux.
La bibliothèque ne dort pas, elle veille sur ceux qui l'aiment.
Plus la bibliothèque personnelle est organisée et soignée, plus elle est proche de la décoration que de la lecture.
Les bibliothèques arrangées me rappellent ceux qui, dans les années quatre-vingt, achetaient des volumes avec une belle reliure au métrage. Ils demandaient au libraire un mètre de livre ou deux mètres et soixante centimètres selon la longueur du rayonnage!
Dans;une bibliothèque chaotique, le lecteur se sent comme un chat se déplaçant en ligne non droite,en spirale, tournant un livre sur un autre. Et dans ce labyrinthe il ne perd jamais son sens de l'orientation. Les moments d'évasion les plus agréables sont ceux où nous nous sentons perdus dans notre bibliothèque personnelle.
À chaque fois que je regarde lors d'un entretien télévisé avec un écrivain ou une personnalité publique alors qu'il est dans sa maison et que derrière lui apparaît une bibliothèque sévèrement arrangée, des séries de volumes minutieusement agencés, je sens que cette personne n'a aucun amour pour sa bibliothèque. Il lui tourne le dos! Et que cette bibliothèque derrière lui dans son arrangement strict me parait comme un cimetière des rois et des familles aristocratiques dont les tombes sont parfaitement alignées,où les morts/livres dorment pour l'éternité,Les bons livres ne sont pas des morts, ce sont des êtres vivants, ils ont besoind'être bousculés, d'être ouverts.
Chaque fois que la bibliothèque personnelle flotte dans le chaos poétique, sachez qu'elle a la vie qui coule dans les veines et qu'il y a un oeil clément qui veille sur elle pour qu'elle ne s'endorme pas.
Les livres ne dorment jamais!
Les livres ne dorment pas sur des étagères, ne font pas de sieste, les rayonnages ne sont pas des lits avec des matelas moelleux. Depuis leur place, les livres nous regardent, nous crient dessus dès que nous les perdons de vue.
Les livres pleurent autant qu'une personne sensible dès qu'ils sentent que personne ne leur masse les articulations et qu'ils ne sont pas interpellés.
Les livres parlent avec éloquence. Ils s'adressent à l'oreille qui sait et qui respecte le sens de l'écoute. Les sons des livres sont différents; aucune voix ne ressemble à l'autre, certains livres ont des sons doux, certains sont aigus, d'autres sont forts.
Si nous ne dialoguons pas avec les livres, ceux-ci comme les humains attrapent un rhume, des rhumatismes et des démangeaisons.
Quand j'étais directeur général de la Bibliothèque nationale d'Algérie, il m'arrivait de monter la nuit au septième étage où se trouvent les réserves, et de marcher entre les longues étagères qui s'étendent sur des centaines de mètres, avec des petites lumières tamisées qui descendaient des bords, avec prière j'écoutais le lieu et j'entendais des voix, des voix réelles, celles des auteurs des livres.Leurs chuchotements arrivaient à mes oreilles, des véritables chuchotements. Parmi ces voix je distinguais celle d'Al-Maâri, celle d'Al-Mustanabbî, de l'autre côté la voix blessée de Si Mohand Ou Mhand arrive, celle d'Abou Nouas, d'Abou Hayyan al-Tawhidi, d'Ibn Hazm, d'Ibn Zaydun, de Mohammed Dib, de Naguib Mahfouz, d'Al-Maghout, de Kateb Yacine, d'Assia Djebar, de Shakespeare, de Molière, d'Ahmed Shawqu, de Baudelaire, de Saïd Akl, de Zola, de Malek Chebel, de Victor Hugo, de Mouloud Mammeri, de Saâdallah Wannous, de Mohamed Arkoun, de Tayeb Saleh...
Un choeur dans une harmonie totale, il me rappelle que l'existence des créateurs des livres est éternelle, leur victoire sur la mort est une vérité absolue, des voix provenant du fond des âges, elles sont de différentes géographies.
Au fur et à mesure que j'avançais entre les étagères, les voix se multipliaient dans différentes langues, des voix entre provocation et recueillement.
On aurait dit que chaque voix cherchait un lecteur ou un compagnon nocturne, avec une envie de quitter les étagères pour s'installer entre les mains et sous le regard attentif d'un lecteur.
La nuit, les livres eux aussi deviennent insomniaques. S'ils ne sont pas ouverts, s'ils ne sont pas lus, ils sont frappés pas la mélancolie et vieillesse.
J'avançais et j'entendais les voix des écrivains qui avaient souffert en écrivant leurs oeuvres page après page, des écrivains emprisonnés, exilés, torturés, assassinés pour une opinion qu'ils ont clamée dans un livre.
Tout comme leurs auteurs, les livres sont des êtres vivants, dont certains ont été exécutés, d'autres brûlés et d'autres encore lapidés.
À chaque fois que je regarde le chaos de ma bibliothèque, je répète cette expression de l'écrivain argentin Jorge Luis Borges: «J'imagine toujours un paradis sous la forme d'une bibliothèque» mais est- ce que le paradis est chaotique?