27 février 65.
Monsieur,
Nous venons vous dire cordialement et chaudement : merci, pour l'article dont vous avez honoré notre dernier livre (1).
Au milieu des haines, des inimitiés, des attaques, parmi tout ce que nous bravons et combattons : les dogmes littéraires, le statu quo du beau et de l'intérêt, les préjugés et les religions de la critique à la La Harpe, les admirations de collège et de catéchisme, - il est bon, monsieur, et fortifiant de trouver un applaudissement et un encouragement comme le vôtre. Votre article console de l'hypocrisie littéraire actuelle. Il affirme les droits que nous avons voulu donner au roman : les droits à la vérité moderne, au poignant des choses qui nous touchent, nous font vibrer les nerfs et saigner le cœur. Il dégage, avec des phrases où nous avons senti votre cœur répondre au nôtre, la moralité de cette étude, qui ne sera jamais plus pénible à lire, qu'elle nous a été pénible à faire. Oui, comme vous le dites parfaitement, donnez à Germinie un mari, des enfants, et tout son dévouement se règle. Vous seul jusqu'ici, monsieur, avez compris ce que nous avons voulu peindre, ce que nous avons essayé de faire sentir. Vous ne discutez pas avec ce qui vous émeut, vous osez jeter les bases d'une critique qui ne ramènera plus tout homme à la même mesure, vous admettez le tempérament et l'originalité dans une œuvre. Tout cela est bien hardi, et nous vous admirons presque pour nous aimer et le dire. Hélas! oui nos œuvres sont maladives, et vous l'avez dit délicieusement, elles ont de la passion et de la grâce de malade : notre faute, que voulez-vous est d'écrire avec nos entrailles et d'être de notre temps.
Tout cela, vous l'avez sympathiquement deviné, exprimé mieux que nous ne l'aurions pu faire nous-mêmes. Merci encore une fois de cette analyse profonde et libre, de l'horizon que vous avez ouvert devant un pauvre livre, qui a pour lui l'effort, la bonne volonté et le courage.
Nous sommes vos amis, monsieur, et nous souhaitons avoir, le plus tôt possible, l'occasion de vous serrer les deux mains.
E. ET J. DE GONCOURT.
Monsieur,
Nous venons vous dire cordialement et chaudement : merci, pour l'article dont vous avez honoré notre dernier livre (1).
Au milieu des haines, des inimitiés, des attaques, parmi tout ce que nous bravons et combattons : les dogmes littéraires, le statu quo du beau et de l'intérêt, les préjugés et les religions de la critique à la La Harpe, les admirations de collège et de catéchisme, - il est bon, monsieur, et fortifiant de trouver un applaudissement et un encouragement comme le vôtre. Votre article console de l'hypocrisie littéraire actuelle. Il affirme les droits que nous avons voulu donner au roman : les droits à la vérité moderne, au poignant des choses qui nous touchent, nous font vibrer les nerfs et saigner le cœur. Il dégage, avec des phrases où nous avons senti votre cœur répondre au nôtre, la moralité de cette étude, qui ne sera jamais plus pénible à lire, qu'elle nous a été pénible à faire. Oui, comme vous le dites parfaitement, donnez à Germinie un mari, des enfants, et tout son dévouement se règle. Vous seul jusqu'ici, monsieur, avez compris ce que nous avons voulu peindre, ce que nous avons essayé de faire sentir. Vous ne discutez pas avec ce qui vous émeut, vous osez jeter les bases d'une critique qui ne ramènera plus tout homme à la même mesure, vous admettez le tempérament et l'originalité dans une œuvre. Tout cela est bien hardi, et nous vous admirons presque pour nous aimer et le dire. Hélas! oui nos œuvres sont maladives, et vous l'avez dit délicieusement, elles ont de la passion et de la grâce de malade : notre faute, que voulez-vous est d'écrire avec nos entrailles et d'être de notre temps.
Tout cela, vous l'avez sympathiquement deviné, exprimé mieux que nous ne l'aurions pu faire nous-mêmes. Merci encore une fois de cette analyse profonde et libre, de l'horizon que vous avez ouvert devant un pauvre livre, qui a pour lui l'effort, la bonne volonté et le courage.
Nous sommes vos amis, monsieur, et nous souhaitons avoir, le plus tôt possible, l'occasion de vous serrer les deux mains.
E. ET J. DE GONCOURT.