رسالة من فلاديمير نابوكوف الى موريس بيشوب

6 mars 1956

Cher Morris,

C'est avec plaisir que j'ai reçu votre lettre et cette petite vue de Nice en 1906 aux couleurs passées. Merci aussi d'avoir déposé le chèque. Nous espérons vous voir tous deux ici. Dans quelques minutes nous partons pour New York, où je dois faire demain un enregistrement d'Onéguine, chant 1, pour la troisième chaîne de la BBC. Nous avons prévu d'être de retour jeudi soir.

Je viens d'apprendre que Gallimard veut publier Lolita. Ceci lui donnerait une adresse respectable. Le livre connaît un certain succès à Londres et à Paris. S'il vous plaît, cher ami, lisez-le jusqu'à la fin.

En toute franchise, je me sens peu concerné par l'« irae Paterfamilias ». Ce béotien vieux jeu serait tout aussi contrarié de savoir qu'à Cornell je fais l'analyse d'Ulysse à un groupe de 250 étudiants des deux sexes. Je sais que Lolita est jusqu'à présent mon meilleur livre. Je reste bien convaincu que c'est une œuvre d'art sérieuse, et qu'aucune cour de justice ne pourrait prouver qu'elle est « obscène et libertine ». Toutes les catégories se combinent entre elles, bien sûr : une comédie de mœurs, écrite par un grand poète, peut avoir des côtés « obscènes » ; mais Lolita est une tragédie. La « pornographie » n'est pas une image hors de tout contexte ; la pornographie est une attitude et une intention. Le tragique et l'obscène s'excluent l'un l'autre.

Vous savez tout ceci aussi bien que moi - je ne fais que jeter ces quelques remarques au hasard de la page parce qu'il s'est trouvé que vous avez évoqué la possibilité d'une attaque.

Nous sommes tous deux très intéressés par l'exposition d'Alison. Il faudra que vous nous racontiez.

Sincères amitiés à tous trois.

V.

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